Addis-Abeba, Éthiopie, le 6 février 2020 (CEA) – L’agenda visant à faire taire les armes à feu et à garantir la paix sur le continent africain doit être traité de manière globale, y compris en abordant les questions de gouvernance, déclare Vera Songwe, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique.
Dans un discours lors de la cérémonie d’ouverture de la 36ème Session ordinaire du Conseil exécutif de l’Union africaine sur le thème, « Faire taire les armes à feu : Créer des conditions pour le développement de l’Afrique », Mme Songwe dit que la gouvernance dans toutes ses dimensions contient certaines des réponses au défi du conflit africain.
« Pour qu’une stratégie visant à faire taire les armes à feu fonctionne, nous devons honnêtement chercher à bâtir des sociétés plus inclusives et l’Union africaine a un rôle important mais encore inexploité à jouer dans cette quête », affirme Mme Songwe, ajoutant qu’elle craint que des élections démocratiques ne soient menacées dans de nombreuses régions du continent, attisant les tensions et les conflits inhérents.
« Une stratégie pour faire taire les armes doit être une stratégie pour améliorer la gouvernance de nos sociétés, construire un processus décisionnel plus transparent, exiger des institutions plus inclusives et plus solides soutenues par l’état de droit. Nous avons de bons exemples de cas où ces principes ont aidé les pays ».
Mme Songwe ajoute que pour réellement faire taire les armes à feu, les pays africains devront également veiller à ce que toutes les importations d’armes à feu sur le continent soient conformes aux pratiques internationales et que les systèmes de gouvernance autour de la circulation des armes soient transparents.
« L’économie du secteur de l’armement ne favorise pas le continent, car de plus en plus de nos jeunes périssent d’armes à feu alors que nous continuons à consacrer de plus en plus de ressources à la sécurité au détriment de l’éducation, des soins de santé et des infrastructures », précise-t-elle.
Au Niger par exemple, dit Mme Songwe, plus de 15% du budget est consacré aux dépenses de sécurité, une tendance qui, selon elle, se répète dans la plupart des pays africains où les dépenses militaires dépassent les budgets sociaux.
« Nous ne pouvons pas réaliser l’Afrique que nous voulons avec de tels budgets », affirme-t-elle, ajoutant que l’Irlande et le Chili sont de bons exemples en ce qui concerne la gestion des conflits et la création de sociétés inclusives dans ces pays.
« Pour faire taire les armes à feu, nous devons continuellement nous concentrer sur la construction d’un écosystème qui s’adresse à l’ensemble avec des institutions dont le rôle est de se prémunir contre les abus de tout groupe ».
Elle déclare qu’il est triste que les conflits armés sur le continent soient passés de sept à 21 entre 2005 et 2018.
« Nous nous sommes surpassés pour le pire », affirme Mme Songwe, ajoutant, « Aujourd’hui, notre tâche est de tirer la sonnette d’alarme aux sans-voix. Pour ceux mutilés par les outils de la guerre. Ceux qui ont peur de la violence dans laquelle elle enveloppe l’humanité. La cruauté qu’elle engendre dans des nations par ailleurs pacifiques ».
Faire taire les armes, dit-elle, aidera les jeunes africains à libérer leur plein potentiel grâce à l’innovation et à créer « l’Afrique que nous voulons ».
Mme Songwe dit que l’Organisation des Nations Unies, créée il y a environ 75 ans, continuera de faire tout son possible pour maintenir la paix, encourager le respect des droits de l’homme, créer les conditions permettant d’instaurer la justice et le respect des lois et traités internationaux et promouvoir le progrès social et de meilleures conditions de vie dans le monde.
Pour sa part, le Président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, affirme que les conflits en Libye, dans le Bassin du Lac Tchad, au Mozambique et dans d’autres pays renforcent tous la détermination de l’Union africaine à faire taire les armes.
Il ajoute que le potentiel historique de l’Accord de libre-échange continental africain (ZLECA) de faire passer le continent au niveau supérieur est menacé par la persistance des conflits, d’où la nécessité de ne rien négliger pour garantir une paix totale en Afrique.
« Le commerce en Afrique est menacé par des problèmes de sécurité et pourtant, il est important pour l’Afrique que nous voulons », précise M. Mahamat, ajoutant que le continent doit continuer de chercher les causes profondes des conflits et les traiter d’urgence.
Le Sommet des chefs d’État s’ouvre dimanche après les délibérations de deux jours du Conseil exécutif des ministres des affaires étrangères de l’UA.