La Statisticienne principale, à l’Agence namibienne des statistiques, Fransina Amutenya a bénéficié du Programme Takwimu de Jeunes statisticiens africains (TYAS) visant à développer et à autonomiser les jeunes statisticiens en Afrique. Ledit Programme, soutenu par la Commission économique pour l’Afrique, offre une plate-forme permettant aux jeunes statisticiens de collaborer, d’innover et de perfectionner leurs compétences et les aident ainsi à rester en phase avec la révolution mondiale des données. Cette dernière parle de son expérience dans le domaine de la statistique.
Que font les statisticiens et qu’est-ce qui vous a incité à devenir statisticienne ?
Les statisticiens conçoivent des outils de collecte de données pour rassembler des informations sur un certain sujet souvent appelé la population. Ils analysent les données collectées pour rédiger une histoire ou rendre compte des résultats. En bref, les statisticiens sont des chercheurs.
Comment suis-je devenu statisticienne ? Lors de mon premier jour à l’université, je voulais m’inscrire en Licence de sciences (sciences pures). Le Chargé d’orientation, assis au comptoir d’inscription à ce moment-là m’a alors dit : « Bonjour jeune fille (j’avais 17 ans à l’époque), il y a un nouveau cours dans notre faculté appelé Licence de sciences en études démographiques ; songez plutôt à vous inscrire à cette formation plutôt que des sciences pures »… Comme on dit – le reste appartient à l’histoire, je me suis inscrite, et jusqu’à ce jour, je suis éternellement reconnaissante à Mme Tekla Tjipura de m’avoir lancée sur cette voie de statisticienne.
Pourquoi les données et les statistiques sont-elles importantes pour le développement et la prise de décision ?
Les données et les statistiques sont cruciales pour le développement et la prise de décision pour plusieurs raisons.
Premièrement, ce n’est que grâce à des preuves empiriques que nous pouvons prendre des décisions éclairées. En analysant les données, les décideurs politiques, les entreprises et les organisations peuvent comprendre les tendances actuelles, les modèles et les scénarios futurs potentiels, ce qui leur permet de prendre des décisions fondées plutôt que spéculatives.
Deuxièmement, grâce aux statistiques, nous pouvons identifier les domaines de préoccupation ou les opportunités d’amélioration. Les décideurs politiques peuvent détecter les inefficacités d’un processus, découvrir les disparités dans l’accès aux ressources ou reconnaître les tendances émergentes du marché.
Troisièmement, nous utilisons les données pour suivre les progrès et allouer efficacement les ressources. Dans le même ordre d’idées, et c’est probablement le point le plus important, les statistiques peuvent servir de base à la responsabilité et à la transparence dans les processus décisionnels. En documentant et en partageant des données sur divers aspects du développement, les décideurs peuvent être tenus responsables de leurs actions et politiques. Dans l’ensemble, les données et les statistiques jouent un rôle fondamental pour orienter les efforts de développement et garantir que les décisions sont fondées sur des données probantes, ciblées et efficaces.
Comment les données et les statistiques peuvent-elles être utilisées pour atteindre les ODD ?
Les données et les statistiques peuvent être utilisées pour suivre les progrès, détecter les domaines de préoccupation et allouer davantage de ressources si nécessaire. En tant que tel, nous pouvons utiliser les données et les statistiques pour suivre les progrès réalisés par rapport aux cibles des ODD, identifier les indicateurs en retard et voir où allouer davantage de ressources ou, mieux encore, concevoir des interventions.
Comment les gouvernements peuvent-ils exploiter au mieux le pouvoir des données et des statistiques dans l’élaboration des politiques ?
Il existe plusieurs stratégies que les gouvernements (en particulier en Afrique) peuvent adopter pour libérer tout le potentiel des données et des statistiques dans l’élaboration des politiques.
Tout d’abord, les gouvernements devraient investir dans la construction d’une infrastructure de données robuste, notamment des systèmes de collecte de données, des bases de données et des outils analytiques. Cette infrastructure doit être conçue pour collecter, stocker et traiter des données provenant de diverses sources de manière sécurisée et efficace.
Ensuite, il est nécessaire de promouvoir la transparence et la responsabilité en mettant en œuvre des initiatives de données ouvertes. Ceci est essentiel car, en rendant les données gouvernementales accessibles au public, les décideurs politiques peuvent donner aux citoyens, aux chercheurs et aux entreprises les moyens d’analyser les données et de contribuer à l’élaboration de politiques fondées sur des preuves. La collaboration et le partage de données entre différentes agences et secteurs devraient également être encouragés. Il s’agit de briser les cloisonnements et d’adopter une culture de prise de décision fondée sur les données parmi les décideurs politiques et les fonctionnaires.
De plus, avec l’aide de statisticiens et d’économistes, les gouvernements nationaux peuvent exploiter des techniques d’analyse avancées (Intelligence artificielle) pour extraire des informations à partir de vastes ensembles de données et anticiper les tendances futures.
Enfin, et c’est probablement le point le plus important, les Bureaux nationaux de statistique doivent donner la priorité aux considérations de confidentialité et d’éthique tout au long du processus de gestion des données, car cela contribue à renforcer la confiance du public et garantit que les données sont utilisées de manière responsable et éthique dans l’élaboration des politiques.
Pourriez-vous partager votre expérience avec l’Agence namibienne des statistiques ?
J’ai rejoint l’Agence namibienne des statistiques (NSA) en novembre 2014. Que cela a changé ma vie. J’ai acquis tellement de compétences analytiques dans le cadre de mon travail. D’un point de vue technique tout comme d’un point de vue gestion. À ce jour, je peux affirmer sans hésiter que je peux donner les moyens à n’importe quel gouvernement national de calculer son revenu et sa consommation agrégés, de concevoir son indice de pauvreté multidimensionnel et, surtout, de calculer ses seuils de pauvreté nationaux. La mesure du bien-être sera toujours au cœur de mes préoccupations, car je peux produire des profils de vulnérabilité pour contribuer à améliorer la vie des personnes touchées, y compris les 10 % les plus pauvres de la population. Dans l’ensemble, cela a changé la donne et c’est un parcours passionnant en tant que statisticienne principale pour le bien-être et les statistiques de genre à la NSA.
À quels types de défis les statisticiens sont-ils confrontés dans l’exercice de leurs fonctions ?
Je suis tentée de dire que le fait de tomber sur un questionnaire d’enquête incomplet sur le terrain, souvent en raison de la lassitude ou du refus des répondants, a constitué un défi de taille pour les statisticiens. Cependant, nous pouvons toujours résoudre ce problème en générant des indicateurs de substitution pour compléter le questionnaire. Au lieu de cela, la situation la plus intimidante et la plus stressante pour tout statisticien concerne le manque de financement. L’impact de la COVID-19 sur les projets de financement public (en particulier en Afrique), y compris ceux consacrés aux statistiques, a été profond. Dernièrement, les utilisateurs de données sont contraints de s’appuyer sur des statistiques obsolètes pour concevoir des programmes et justifier leurs décisions politiques. Pour tout statisticien, ce scénario représente le cauchemar ultime : l’incapacité de servir adéquatement votre client est douloureuse.
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