Addis-Abeba, le 23 novembre 2023 - Les pays africains doivent promouvoir une gouvernance foncière durable pour accélérer la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), ont convenu les panélistes lors d’une table ronde, à la Conférence 2023 en cours sur la politique foncière en Afrique.
Le Directeur de la Division de l’intégration régionale et du commerce de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), Stephen Karingi, a déclaré que si elle est pleinement mise en œuvre, la ZLECAf stimulerait le commerce intra-africain d’environ 34,6 % en 2045, ce qui équivaut à un gain de 204,3 milliards de dollars. Selon les estimations de la CEA, cela apportera des bénéfices substantiels aux secteurs de l’agroalimentaire, des services, de l’industrie et de l’énergie/mines.
« Les questions foncières jouent un rôle important dans cette équation, car la fabrication et la valeur ajoutée nécessiteront que les matières premières soient produites sur les terres ; les investissements dans les secteurs à valeur ajoutée nécessiteront également un accès à la terre », a déclaré M. Karingi lors de la table ronde intitulée « Gouvernance foncière, intégration régionale et commerce intra-africain : Opportunités et défis ».
La République démocratique du Congo a signé un accord-cadre avec la Zambie et des partenaires techniques, dont la CEA et la Banque africaine d'import-export en mars 2023. Ledit acord-cadre a pour objectif de développer une Zone économique spéciale (ZES) transfrontalière pour les Batteries et les véhicules électriques et les services associés. Cette soi-disant nouvelle génération de Zones économiques spéciales constitue l’une des nombreuses voies innovantes de remédier aux goulots d’étranglement politiques et infrastructurels qui entravent les opportunités d’investissement de classe mondiale dans une industrialisation stratégique et axée sur les minéraux verts.
Sans ressources foncières, nous ne pouvons pas optimiser la ZLECAf ; Pour réussir, il faudra harmoniser les lois foncières au-delà des frontières, a déclaré M. Karingi.
Le revers de la médaille dans la volonté d’accroître les échanges commerciaux et de développer les infrastructures nécessaires est la question de la durabilité. M. Karingi a souligné la nécessité d’aborder le lien qui existe entre les ressources foncières et la ZLECAf dans une perspective de durabilité et a déclaré qu’une étude préliminaire de la CEA indique que la ZLECAf, si elle est pleinement mise en œuvre, augmentera considérablement le commerce africain sans ajouter de pression significative sur le changement climatique. La poursuite des Contributions déterminées au niveau national (CDN) existantes ou la création d’un marché africain du carbone en plus des réformes de la ZLECAf réduiront considérablement les émissions de Gaz à effet de serre (GES).
« Bien qu’il existe un compromis entre la réduction des émissions de GES et la stimulation des avantages économiques, la création d’un marché africain du carbone est particulièrement efficace pour réduire les émissions de GES, tout en préservant largement les avantages économiques attendus de la ZLECAf », a déclaré Karingi.
Tsotetsi Makong, Chef du renforcement des capacités et de l’assistance technique, au Secrétariat de la ZLECAf, a déclaré que l’Afrique reçoit environ 3,5 % des Investissements directs étrangers (IDE). Le lien entre l’IDE et l’accès à la terre, dont une partie est entre les mains des gardiens coutumiers et des chefs traditionnels, nécessite un cadre réglementaire.
« La plupart de ces investissements concernent le secteur des industries extractives et des matières premières. Le Protocole d’investissement de la ZLECAf doit favoriser les investissements intra-africains, que nous appelons désormais Investissements directs africains (ADI), afin que les Africains puissent investir librement sur le continent et garantir la protection de leurs investissements », a déclaré M. Makong.
Dans les négociations de la ZLECAf, les questions foncières relèvent du domaine des réglementations nationales. Un régime foncier garanti et la sécurité foncière sont le seul moyen de soutenir les investissements intra-africains, qui, selon M. Makong, sont encore faibles en Afrique. Le succès du Protocole d’investissement dans le cadre de la ZLECAf dépendra des lois nationales des pays et de l’alignement de ces lois sur la ZLECAf.
« Il existe des lignes directrices sur les réformes foncières qui doivent être transformées en réglementations au sein des systèmes nationaux. La cohérence des politiques doit être au cœur de notre action. Cela peut être réalisé en impliquant tout le monde, y compris les femmes et les jeunes au niveau local », a déclaré M. Makong.
La Directrice de la protection des terres communautaires à Namati, au Kenya, Eileen Wakesho, a déclaré que la ZLECAf se concentre principalement sur la circulation des biens, des services et des personnes et sur les avantages économiques à en tirer, mais le plus grand défi est que l’accès à la terre en Afrique n’est pas égal.
Les données montrent qu’entre 2010 et 2020 en Afrique subsaharienne, 7,3 millions d’hectares ont été loués ou acquis, et que moins de 40 % ont finalement été développés.
« L’expansion des infrastructures nécessite des terres. La terre est acquise mais les gens ne sont pas indemnisés car ils n'en sont pas propriétaires. Il est nécessaire de vérifier le coût et de voir si cela profite aux gens », a-t-elle déclaré.
La plupart des investissements à grande échelle présentent de faibles taux de transparence lors des étapes d’acquisition des terres et les conséquences de ce manque de transparence se répercutent sur les femmes. En tant que tels, les droits coutumiers et l’acquisition de terres nécessitent une attention particulière. Il est nécessaire de mener des recherches pour déterminer si la ZLECAf affaiblira ou renforcera les droits fonciers coutumiers.
Comprendre les retombées de la ZLECAf sur les droits coutumiers et l’acquisition de terres et apprendre des autorités traditionnelles, notamment en posant des questions clés telles que la ZLECAf nécessite-t-elle davantage d’acquisitions de terres et quelles terres seront acquises ?
« Pour exploiter tout le pouvoir de la ZLECAf, les pays africains doivent veiller à ce que les investissements liés à la terre ne dépossèdent pas les détenteurs de droits fonciers existants et favorisent plutôt un développement inclusif et durable », a-t-elle déclaré.
Un Chef traditionnel de Zambie, Ishima Sanken'I VI, a déclaré que les chefs traditionnels ne sont généralement pas consultés sur les décisions de gestion et de gouvernance foncières, ce qui a conduit à une corruption foncière généralisée. Les chefs traditionnels, y compris les rois, doivent être pleinement impliqués dans les décisions concernant les questions d’acquisition et d’utilisation des terres, car ils sont les représentants des propriétaires des terres.
Les lignes directrices des stratégies de la ZLECAf font appel à l’ensemble de la société – les jeunes, les PME, les femmes – et l’accent est mis sur le leadership gouvernemental pour rassembler tout le monde, a déclaré M. Karingi. Les comités nationaux de mise en œuvre seront essentiels au succès des stratégies.
« Les lignes directrices ont été créées de telles sorte qu’au sein des cadres nationaux, la législation peut s’aligner. Nous n’irons nulle part sans nous adresser à la base. Les autorités chargées des investissements doivent accorder davantage d’attention aux pays », a ajouté Makong.