HUITIÈME FORUM DES ENTREPRISES AFRICAINES
Thème :
Du potentiel à la prospérité : activer les chaînes de valeur régionales en Afrique
Allocution
de
M. Claver Gatete
Secrétaire général adjoint
de l’Organisationdes Nations Unies et
Secrétaire exécutif de la CEA
17 février 2025,
Maison de l’Afrique, Addis Abeba, Éthiopie
S.E. Taye Atske Selassie, Président de la République fédérale démocratique d’Éthiopie,
S.E. Duma Gideon Boko, Président de la République du Botswana,
S.E. John Dramani Mahama, Président de la République du Ghana,
S.E. Alexandre Barro Chambrier, Vice-Premier Ministre du Gabon
S.E. Monique Nsanzabaganwa, Vice-Présidente de la Commission de l’Union africaine,
Ngozi Okonjo-Iweala, Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce,
Sidi Ould Tah, président de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique,
Samaila Zubairu, Président et directeur général de l’Africa Finance Corporation,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Honorables délégués,
Chefs d’entreprise et partenaires de renom,
Mesdames et Messieurs :
C’est un honneur pour moi de vous accueillir au huitième Forum des entreprises africaines, organisé sous le thème fondamental : « Du potentiel à la prospérité : Activer les chaînes de valeur régionales de l’Afrique ».
Je tiens tout d’abord à exprimer ma sincère gratitude à S.E. Taye Atske Selassie, Président de la République fédérale démocratique d’Éthiopie, pour le généreux soutien de l’Éthiopie en tant qu’hôte, ainsi qu’à nos invités de marque, les chefs d’État et de gouvernement et le Vice-Premier Ministre, pour avoir fait honneur à cet événement important.
En particulier, je voudrais saisir cette occasion pour féliciter chaleureusement le Président Duma et le Président Mahama pour leurs récentes victoires électorales, qui sont autant de témoignages marquants de la confiance et de l’espoir que leurs nations placent dans leurs dirigeants.
Je remercie également les éminents dirigeants du Secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine, de l’Organisation mondiale du commerce, de la Banque africaine de développement, de la Banque africaine d’import-export, de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique et d’autres institutions partenaires pour leur engagement indéfectible en faveur de la transformation économique de l’Afrique.
Nul autre endroit ne saurait mieux se prêter à ce dialogue crucial que la Maison de l’Afrique, cadeau de l’empereur Hailé Sélassié à l’Afrique et lieu où, il y a 60 ans, les pères fondateurs du continent ont jeté les bases de l’émancipation politique et de l’unité du continent en signant la Charte de l’Organisation de l’Unité africaine.
Aujourd’hui, alors que nous prenons appui sur ces fondations, notre tâche en tant que dirigeants est de garantir la prospérité économique du continent.
Excellences,
Honorables délégués,
L’histoire de l’Afrique a toujours été paradoxale : un continent doté d’immenses ressources naturelles et humaines, mais limité par la fragmentation économique et le sous-développement.
Est-ce là le destin de l’Afrique ?
L’Afrique doit-elle continuer à assister à la prospérité d’autres régions fondée sur l’exploitation de ses matières premières, alors que ses propres économies peinent à s’industrialiser ?
La réponse est un non catégorique ! L’histoire n’est pas une fatalité.
Le temps est venu de réécrire le récit de l’Afrique en la propulsant d’un continent au potentiel inexploité à une puissance mondiale de production, d’innovation et d’autosuffisance économique.
Et nous avons les moyens de le faire.
Dotée d’un marché unique de 1,5 milliard de personnes et d’un PIB combiné dépassant les 3 000 milliards de dollars, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) nous offre le schéma directeur de cette transformation.
Cependant, un plan ne suffit pas à lui seul.
Il nous faut concrétiser cette vision et faire en sorte que la ZLECAf serve de moteur à des chaînes de valeur régionales compétitives dans des secteurs clés tels que l’agriculture, l’élevage et les produits pharmaceutiques.
Au cœur de cette transformation réside le plus grand atout de l’Afrique : sa population, et tout particulièrement sa jeunesse.
Le continent africain, qui compte plus de 60 % de jeunes de moins de 25 ans, affiche le taux de croissance démographique le plus élevé et le plus rapide du monde.
Pourtant, aujourd’hui, des millions de jeunes demeurent sans emploi ou sont sous-employés, leur potentiel étant inhibé par un accès limité aux opportunités économiques.
Mais Excellences, Honorables délégués,
Comment pouvons-nous, en toute conscience, accepter ce statu quo ?
La réponse est claire : nous devons créer des emplois durables en tirant parti des chaînes de valeur régionales, en renforçant les entreprises dirigées par des jeunes et en exploitant l’innovation numérique.
Et c’est la raison pour laquelle ce forum arrive à point nommé.
Alors que plus de 65 % de la population active africaine travaille dans l’agriculture, pourquoi l’Afrique reste-t-elle un importateur net de denrées alimentaires ?
Pourquoi devons-nous continuer à dépendre des marchés extérieurs alors que notre potentiel agro-industriel est sans pareil ?
De même, le secteur de l’élevage en Afrique, évalué à plus de 65 milliards de dollars, reste largement sous-développé, en dépit de son immense capacité à stimuler la croissance industrielle et la sécurité alimentaire.
Quant au secteur pharmaceutique, qui devrait atteindre 70 milliards de dollars d’ici 2030, pourquoi continuons-nous à importer plus de 70 % de nos médicaments alors que nous disposons des connaissances, des ressources et de la demande nécessaires pour bâtir une industrie pharmaceutique autosuffisante ?
Bien sûr, nous ne pouvons pas oublier comment la pandémie de COVID-19 a révélé la vulnérabilité de l’Afrique.
Le continent n’a donc pas d’autre choix que de renforcer sa capacité de production pharmaceutique pour garantir sa sécurité sanitaire et sa résilience économique.
Excellences,
Honorables délégués,
Nous ne pouvons plus nous permettre d’exporter des matières premières et d’importer des produits finis.
Une Afrique prospère est une Afrique qui favorise l’industrialisation, qui se fait la championne de la valeur ajoutée et qui fait progresser l’intégration régionale.
Je propose quatre recommandations pour y parvenir.
Premièrement, nous devons développer les centres régionaux de l’agroalimentaire et les zones économiques spéciales qui transforment les matières premières en produits d’exportation à forte valeur ajoutée.
Deuxièmement, nous devons établir des cadres réglementaires harmonisés pour faciliter le commerce des produits pharmaceutiques et de la bioproduction.
Troisièmement, nous devons investir dans les infrastructures et les mécanismes de financement afin de réduire le coût des activités transfrontières.
Enfin, nous devons renforcer les partenariats public-privé pour stimuler l’innovation et l’esprit d’entreprise, accélérer la numérisation et l’adoption des technologies, et faire de l’Afrique un chef de file de la quatrième révolution industrielle.
Excellences,
Honorables délégués,
Le temps des changements à petits pas est révolu. L’Afrique doit s’industrialiser de toute urgence.
Et la Commission économique pour l’Afrique se tient prête à collaborer avec les gouvernements africains, le secteur privé et les partenaires de développement pour mener à bien cette transformation.
Par le biais de politiques ciblées, de mécanismes de financement innovants et de partenariats stratégiques, nous allons, ensemble, libérer tout le potentiel économique de l’Afrique.
Je vous remercie.