Par Adam Elhiraika, Wafa Aidi, Oumaima Tounchibine et Amged B. Shwehdy
Résumé exécutif
Les petites et moyennes entreprises (PME) en Afrique du Nord constituent à la fois un pilier économique et un levier essentiel pour une croissance inclusive et durable. Les récentes évaluations préalables aux ateliers, menées par le Bureau sous-régional pour l’Afrique du Nord de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA/UNECA SRO-NA), révèlent des lacunes critiques en matière de connaissances en Tunisie et en Libye. L’échantillon analysé couvre deux cohortes ciblées : 26 PME tunisiennes et 9 PME libyennes. En Tunisie, où 31 % des entreprises sont dirigées par des femmes et 42 % par des jeunes, le tissu entrepreneurial se distingue par une forte dynamique numérique. Toutefois, ce potentiel reste contraint par une faible capacité d’exportation et une prédominance masculine dans les postes exécutifs. Les femmes y accèdent souvent aux responsabilités via la propriété directe ou la création de leurs propres projets (voir Figure 1). En Libye, la cohorte atteint une quasi-parité entre les sexes, mais seulement 12,5 % des dirigeants sont des jeunes, reflétant une base entrepreneuriale plus mature. Les entreprises se heurtent à des contraintes majeures : accès limité au financement, faible sensibilisation aux opportunités de la ZLECAf, et absence de dispositifs d’accompagnement structurés, malgré des modèles d’affaires porteurs (voir Figure 1). Pris ensemble, ces résultats offrent un aperçu démographique et économique de l’entrepreneuriat en Afrique du Nord : un écosystème diversifié et prometteur, mais encore freiné par des carences en matière de financement, de préparation à l’exportation et de soutien institutionnel pour l’expansion.
Figure 1. Genre et âge des PME en Tunisie et en Libye
Indicateur | PME tunisiennes | PME libyennes |
---|---|---|
Répartition par genre | 31 % femmes – 69 % hommes | ≈ 50 % femmes – ≈ 50 % hommes |
Jeunes dirigeants (≤ 40 ans) | 42% (11 sur 26) | 12,5 % (1 sur 9) |
PME dirigées par des femmes | 31 % (8 sur 26) | ≈ 50 % (4 ou 5 sur 9) |
PME dirigées par des hommes | 69 % (18 sur 26) | ≈ 50 % (4 ou 5 sur 9) |
Femmes fondatrices/propriétaires | 3 sur 8 femmes (dans l’échantillon) | Plusieurs femmes accèdent au leadership à travers des rôles de fondatrices ou propriétaires (part exacte non précisée) |
Hommes aux postes exécutifs (PDG/CEO) | ≈ 80 % des hommes | Dirigeance majoritairement assurée par des profils seniors, avec une prévalence marquée |
Des lacunes aux opportunités : transformer les évaluations des PME en formations ciblées et résultats tangibles
La Figure deux présente un processus structuré étape par étape, reliant les évaluations diagnostiques des PME à la conception de programmes adaptés et à la définition des priorités des ateliers.
Figure 2. Parcours de renforcement des capacités pour les PME en Tunisie et en Libye
Résultats de l’évaluation des PME en Tunisie et en Libye
Situation actuelle des PME et de leurs activités
Les résultats d’évaluation des PME en Tunisie et en Libye montrent que ces entreprises sont principalement des micros ou petites entreprises avec des structures organisationnelles allégées. En Libye, plus de la moitié des entreprises interrogées emploient entre un et cinq travailleurs, tandis qu'une minorité compte entre 6 et 20 employés. La Tunisie présente un profil similaire, avec près de 85 % des entreprises de l'échantillon employant moins de 10 personnes. Les tendances sectorielles sont également comparables. En Libye, 46,2 % des entreprises sont actives dans l'industrie, incluant la transformation alimentaire, l'emballage d'épices, le recyclage de métaux et les énergies renouvelables. Le commerce représente 23,1 %, tandis que les services et l'artisanat se partagent le reste. En Tunisie, la base sectorielle est plus diversifiée, mais reste dominée par l'industrie, avec huit des 26 entreprises appartenant au secteur de la fabrication et de la transformation, suivies par une participation plus limitée dans l'agriculture, les services et le tourisme.
Capacités acquises et insuffisances en matière de connaissances
Les scores d'auto-évaluation confirment des faiblesses différentes mais complémentaires entre les deux contextes. En Libye, l'accès au financement est la dimension la plus faible (2,67/5), reflétant des difficultés à obtenir du crédit et une confiance limitée dans les instruments financiers. Les capacités en marketing et en numérique sont modestes (3,56/5), tandis que la préparation à l'exportation est modérée mais significative (3,78/5). La planification d'entreprise (4,11/5) et la gestion financière (4,33/5) montrent une relative solidité, bien que souvent limitée à la comptabilité de base plutôt qu'à une planification adaptée aux investisseurs (voir figure 3). En Tunisie, le potentiel d'exportation est le pilier le plus faible (34,6 % du maximum), tandis que le potentiel numérique est le plus fort (96,1 %), et la durabilité affiche un niveau modérément élevé (76,9 %). La préparation financière est mitigée (64,1 %), avec plusieurs entreprises ayant des registres solides, mais d'autres manquant de comptabilité de base (voir figure 4). Ce paysage inégal souligne la nécessité pour les PME libyennes de recevoir un soutien urgent en matière de finance et de numérisation, tandis que les PME tunisiennes ont besoin de voies structurées vers les marchés internationaux.
Figure 3: Évaluation des lacunes de connaissances — PME Libyennes
Figure 4 : Évaluation des lacunes de connaissances — PME tunisiennes
Sensibilisation à la ZLECAf et orientation vers l’exportation
Le manque de connaissance concernant la ZLECAf (Zone de Libre-Échange Continentale Africaine) est un problème majeur. En Libye, 66,7 % des PME déclarent avoir une faible sensibilisation à ce sujet, tandis que seulement 22,2 % montrent une compréhension moyenne et 11,1 % possèdent une connaissance approfondie. Cette méconnaissance empêche les entreprises de transformer leurs activités d'exportation existantes en une intégration régionale structurée. En Tunisie, les PME affichent également une compréhension limitée des règles d'origine et de la conformité commerciale, ce qui freine leur potentiel numérique et durable pourtant prometteur. Malgré ces lacunes, 56 % des PME libyennes sont déjà engagées dans l'exportation, bien que principalement via des courtiers informels et des réseaux personnels. Les PME tunisiennes montrent une ambition d'exportation, mais elles manquent d'intelligence de marché et de canaux de distribution structurés.
Figure 5 : Évaluation des lacunes de connaissances et plan directeur de formation des PME tunisiennes, 2025
Figure 6 : Évaluation des lacunes de connaissances et plan directeur de formation des PME Libyennes, 2025