Brazzaville, le 12 décembre 2021 (CEA) – Il est grand temps que les communautés économiques régionales, notamment la CEMAC et la CEEAC, en phase avec la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) mettent en place un cadre institutionnel sous la forme d’un consortium sur l'exploitation de la comptabilité du capital naturel pour stimuler la diversification économique et l'industrialisation avec le secteur privé au centre.
Ceci est l’une des recommandations clés d’une session des experts sur « la comptabilité du capital naturel, rebasage de la richesse économique et élargissement de l’espace fiscal en Afrique centrale » organisée par du Bureau pour l’Afrique centrale de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), à Brazzaville, la capitale congolaise du 8 au 9 décembre 2021.
La comptabilité du capital naturel (CCN) est un audit rigoureux de la valeur économique et monétaire des ressources naturelles d'un pays, afin d'évaluer sa richesse réelle, de planifier durablement son développement et de mieux négocier le financement du développement sans sombrer dans l’endettement (comme c'est actuellement le cas pour plusieurs économies d'Afrique centrale).
La CCN est un outil relativement nouveau dans la gestion de l'environnement. Elle évalue la contribution des écosystèmes naturels à l'économie d'un pays, son niveau de dépendance vis-à-vis des systèmes naturels, le suivi des changements dans ces systèmes naturels et leurs impacts. Elle peut être comprise comme une nouvelle (et meilleure) manière de combiner les outils existants utilisés dans l'analyse économique avec les données environnementales. En d'autres termes, si le PIB est mesuré en termes de valeur totale des biens et services produits dans une économie au cours d'une année, les ressources naturelles qui offrent des services écologiques et autres devraient être incluses dans l'équation pour évaluer la véritable richesse d'un pays.
La réunion de Brazzaville s’est tenue en marge de la 37ème session du Comité intergouvernemental des hauts fonctionnaires et experts pour l’Afrique centrale (CIE).
L’objectif visé est deproposer un certain nombre d’outils et techniques pour la mesure du capital naturel dans un cadre cohérent avec le système des comptes nationaux.
Ainsi, les experts ont d’abord présenté la valorisation du capital naturel en Afrique centrale comme « un processus de long terme qui demande un effort concerté et soutenu ».
Autrement dit, les produits et services fournis par le capital naturel, tels que l'eau, la nourriture et la gestion du climat, sont appelés « services écosystémiques ». Tout le monde bénéficie de ces services car ils génèrent une activité économique et favorisent un mode de vie sain.
les experts conseillent à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et à la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) de se mettre ensemble pour voir comment mettre à contribution les connaissances des différents experts et institutions pour mieux prendre en compte le capital naturel dans le processus de production.
Tout devra démarrer alors par pallier l'absence de cadre institutionnel adapté en créant un consortium sur la transformation du capital naturel en capital productif en Afrique centrale.
La mission revient alors à la CEA et à la CEEAC de préparer un projet des termes de références et une feuille de route pour la mise en place d'un tel consortium, ont-ils conseillés.
Au nombre des recommandations de la réunion, les experts soulignent qu’une « bonne gestion du capital naturel nécessite des décisions informées se basant à la fois sur des données de bonne qualité sur le stock de capital naturel de la sous-région et son évolution, mais aussi des modèles économiques adaptés prenant en compte les interactions entre la sphère économique, la sphère sociale et la sphère environnementale ».
En plus, il fait remarquer que pour tous les pays de la sous-région, une des contraintes majeures pour une gestion optimale du capital naturel est l'absence de données primaires qui entrent dans la production des indicateurs requis.
De ce fait, « les Etats, les institutions sous-régionales, la CEA et les autres partenaires au développement doivent donc continuer à renforcer les systèmes statistiques de la sous-région pour la production des données primaires tout en continuant à explorer des méthodes innovatives telles que l'imagerie satellitaire ».
Ladite imagerie satellitaire permet de contourner à moindre cout l'absence de données primaires sans compromettre gravement la qualité des estimations des principaux indicateurs utiles pour une bonne gestion du capital naturel.
Des suggestions ont été faites à la CEA de se mettre en partenariat avec les autres institutions internationales, de réfléchir et de prendre en compte l’analyse couts-bénéfices et l’impact net de la valorisation du capital naturel dans la définition des politiques de protection de l’environnement.
Constat établi dans le rapport sur la comptabilité du capital naturel
Ce document réalisé en octobre 2021 stipule que « les ressources naturelles et les services écosystémiques sont dégradés en raison d'un manque d'incitations sur les marchés et les institutions pour la conservation ».
« De nouvelles lois et institutions sont nécessaires pour compenser le fait que l'argent est traditionnellement donné à ceux qui produisent des biens, mais pas à ceux qui fournissent des services », propose-t-il.
Il est primordial de comptabiliser la richesse réelle des pays, notamment leur capital naturel. Le développement à long terme consiste à accumuler et à bien gérer un portefeuille de ressources qui comprend le capital physique (ou produit), le capital naturel et le capital humain et social.
« Un indicateur de bonne performance devrait, par exemple, considérer l'utilisation du capital naturel et la création d'emplois dans les pays en développement. En général, les indicateurs économiques doivent être adaptés à l'évolution des conditions environnementales », conseille-t-on dans le rapport.
Pour Issoufou Seidou Sanda, expert de la CEA « le capital naturel est quelque chose d’important pour l’économie, mais il a été négligé pendant très longtemps », affirmant que « nous sommes dans une sous-région qui est très riche en ressources naturelles ».
Pour illustrer son propos, M. Seidou Sanda précise que le potentiel du Bassin du Congo, deuxième poumon écologique de la planète avec ses 220 millions d’hectares de forêts, n’est pas toujours correctement mesuré lorsqu’on calcule le Produit intérieur brut (PIB) des pays qui le couvrent.
Son point de vue est partagé par la consultante Marthe Mapoungou qui rappelle que la décision de comptabiliser et valoriser le capital naturel date d’il y a maintenant 30 ans.
Cependant, affirme-t-elle, son application pratique tarde à se généraliser (en particulier dans les pays en développement) pour diverses raisons, notamment l’absence de maturité et d’appropriation des méthodes d’évaluation des services écosystémiques reconnues à l’échelle internationale.
A cela il faut ajouter « la lenteur des dirigeants politiques –en particulier les autorités en charge de l’économie et des finances qui tardent à se saisir de la question de la comptabilisation du capital naturel ».
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