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Allocution de M. Claver Gatete lors de la réunion annuelle 2025 des Zones économiques spéciales africaines

27 novembre, 2025
Statement by Mr. Claver Gatete at the African Special Economic Zones Annual Meeting 2025

RÉUNION ANNUELLE 2025 DES ZONES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES AFRICAINES

Thème :

Zones économiques spéciales africaines : favoriser les investissements industriels durables et l’intégration aux chaînes de valeur mondiales

Allocution

de

M. Claver Gatete

Secrétaire général adjoint de l’Organisation des Nations Unies

et Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique

 

Luanda

27 novembre 2025

 

Excellence M. Rui Miguêns de Oliveira, Ministre de l’industrie et du commerce de l’Angola,

Excellence M. Wamkele Mene, Secrétaire général du Secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf),

Excellence Mme Nardos Bekele-Thomas, Directrice généralede l’Agence de développement de l’Union africaine-Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (AUDA-NEPAD),

Excellence Mme Francisca Tatchouop Belobe, Commissaire de l’Union africaine en charge du développement économique, du tourisme, du commerce, de l’industrie et des mines,

M. Ahmed Bennis, Secrétaire général de l’Organisation africaine des zones économiques,

Dr Manuel Francisco Pedro, Président du Conseil d’administration de la zone économique spéciale de Luanda-Bengo,

Distingués dirigeants du secteur industriel,

Mesdames et Messieurs,

 

C’est un privilège pour moi de participer à cette importante réunion annuelle des zones économiques spéciales africaines placée sous le thème : « Zones économiques spéciales africaines : favoriser les investissements industriels durables et l’intégration aux chaînes de valeur mondiales ».

Je souhaite tout d’abord exprimer ma sincère gratitude au Gouvernement de la République d’Angola, qui accueille avec une grande générosité cette réunion de première importance.

Je tiens tout particulièrement à adresser mes chaleureuses félicitations à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance du pays – un jubilé d’or qui témoigne de sa résilience remarquable, du renforcement des institutions et d’un engagement tourné vers un avenir de prospérité partagée.

Je salue également la Commission de l’Union africaine, l’Organisation africaine des zones économiques et la zone économique spéciale de Luanda-Bengo pour l’organisation de ce dialogue opportun.

 

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Nous traversons une période de profondes mutations à l’échelle mondiale.

À l’heure où nous parlons, l’économie mondiale ralentit, les investisseurs font preuve de prudence, les réseaux d’approvisionnement évoluent et l’impératif lié aux changements climatiques redéfinit les flux de capitaux.

Ces vents contraires se font sentir avec une acuité particulière en Afrique.

Si les investissements ont commencé à se redresser dans certains pays, les tendances générales de l’investissement étranger direct demeurent inégales et vulnérables aux chocs extérieurs.

Plus de vingt pays africains sont confrontés au surendettement, certains consacrant davantage de ressources au service de la dette qu’à des secteurs essentiels comme la santé, l’éducation et les infrastructures.

En outre, sur l’ensemble du continent, le coût du financement reste au moins trois fois supérieur à celui pratiqué dans les économies développées, ce qui limite notre capacité à investir dans les infrastructures, la sécurité énergétique et la croissance industrielle.

Mais, en réalité, face à ces difficultés, pouvons-nous attendre que les conditions mondiales s’améliorent pour poursuivre notre développement ?

La réponse est clairement non.

Pour l’Afrique, l’industrialisation n’est pas une option, mais un impératif crucial.

La question centrale est la suivante : comment accélérer, approfondir et rendre plus durable notre industrialisation, compte tenu du contexte dans lequel nous évoluons ?

Nous devons y répondre, Excellences, en renforçant l’innovation, l’intégration régionale et nos capacités industrielles.

Et il existe des preuves que cela est possible.

En moins de vingt ans, le complexe portuaire Tanger Med au Maroc, par exemple, est devenu l’une des plateformes industrielles les plus stratégiques d'Afrique, reliant plus de 1 200 entreprises aux chaînes de valeur régionales et mondiales, générant plus de huit milliards de dollars des États-Unis d’exportations annuelles et soutenant plus de 100 000 emplois directs.

Je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas d’un succès isolé.

De la zone industrielle orientale de l’Éthiopie à la plateforme de Lekki au Nigéria, en passant par le pôle de Luanda-Bengo en Angola, il est clairement établi que l’Afrique est capable de concevoir, de construire et d’exploiter des écosystèmes industriels compétitifs à l’échelle mondiale.

Cela confirme qu’avec des infrastructures adéquates, une gouvernance fiable et une stabilité des politiques publiques, les économies africaines peuvent être compétitives et s’intégrer à grande échelle.

Mais aujourd’hui, les investisseurs ne recherchent plus seulement des incitations ; ils recherchent la crédibilité, l’efficacité, la durabilité et une main-d’œuvre qualifiée.

À cet égard, nos zones économiques spéciales doivent évoluer pour passer de simples enclaves de production à de véritables écosystèmes d’innovation et de transformation ; de poches industrielles isolées à des moteurs intégrés des chaînes de valeur continentales.

Aujourd’hui, la Zone de libre-échange continentale africaine reconfigure en profondeur l’équation commerciale du continent.

Pendant trop longtemps, il a souvent été moins coûteux de commercer avec des partenaires situés en dehors de notre continent qu’avec nos propres voisins, en raison de la fragmentation des systèmes logistiques, de la disparité des normes et des barrières tarifaires.

Toutefois, le recensement de 94 chaînes de valeur régionales, dans des secteurs tels que l’industrie agroalimentaire, les produits pharmaceutiques, l’automobile, la valorisation des minéraux et les services numériques, révèle un fort potentiel de croissance industrielle et économique.

La part du secteur industriel dans le PIB de l’Afrique est trop faible, ce qui explique pourquoi les zones économiques spéciales jouent un rôle essentiel dans le renforcement des capacités productives à l’échelle transfrontière.

Grâce à leurs infrastructures modernes et à la facilitation des opérations douanières, elles peuvent mettre en relation les fournisseurs et les fabricants au-delà des frontières, créer des emplois, soutenir les petites et moyennes entreprises (PME), autonomiser les jeunes et les femmes et accélérer la transition vers une industrialisation verte en Afrique.

Alors, comment y parvenir ?

Permettez-moi de mettre l’accent sur trois priorités stratégiques à prendre en considération.

 

Premièrement, nous devons harmoniser les stratégies relatives aux zones économiques spéciales avec celles mises en place dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine, afin que ces zones deviennent de véritables pôles industriels capables d’ancrer les chaînes de valeur régionales, de créer des emplois et de développer le commerce intra-africain.

Il n’est pas normal que l’Afrique exporte des matières premières pour ensuite réimporter des produits finis.

Pourquoi ne pas transformer, assembler, conditionner et innover ici même, chez nous ?

Grâce à des stratégies intégrées, les zones économiques spéciales peuvent transformer des marchés fragmentés en corridors continentaux de production et de prospérité, faisant du « Fabriqué en Afrique » non seulement une indication d’origine, mais également une norme d’excellence.

Pour promouvoir cette vision, la CEA est sur le point d'achever une étude continentale sur les normes et standards pour la réussite des zones économiques spéciales en Afrique, menée avec la Banque africaine d'import-export, l’Agence de développement de l’Union africaine-Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique et avec l’appui des États membres.

Cette étude s’appuie sur les meilleures pratiques internationales et est étayée par une enquête panafricaine sur les zones économiques spéciales, réalisée en partenariat avec l’Organisation africaine des zones économiques, afin d’élaborer une plateforme commune d’évaluation comparative.

Par ailleurs, la CEA organise une visite d’étude de la zone économique spéciale de Luanda-Bengo, qui aura lieu juste après la réunion annuelle de l’AEZO, en vue de présenter les meilleures pratiques élaborées au niveau local sur notre continent.

 

Deuxièmement, nous devons améliorer la gouvernance, simplifier les réglementations et mettre en place des infrastructures fiables afin de réduire les risques liés à l’investissement et d’attirer des capitaux à long terme.

Aujourd'hui, les investisseurs ne se contentent pas d’évaluer le potentiel de l’Afrique elle-même.

Ils la comparent à des écosystèmes industriels situés en Asie du Sud-Est, en Amérique latine, au Moyen-Orient, ainsi que dans d’autres régions du monde.

Nos zones économiques spéciales doivent donc offrir efficacité, transparence et continuité.

À cet égard, les travaux de la CEA sur les réformes et sur les procédures douanières numériques aident les pays à réduire la perception du risque, afin que les investissements se dirigent là où des possibilités existent déjà – c’est-à-dire partout sur le continent.

 

Troisièmement, nous devons investir dans les populations africaines, qui constituent notre principal avantage concurrentiel, en renforçant leurs compétences, leurs capacités numériques et leur potentiel d’innovation afin de soutenir l’essor des industries de demain.

C’est pourquoi la CEA collabore avec les gouvernements, les institutions régionales et des partenaires privés pour créer des pôles d’innovation numérique, promouvoir des solutions industrielles adaptées aux changements climatiques et développer des programmes de formation qui autonomisent les jeunes, les PME et les entrepreneurs locaux.

Pour conclure, Excellences, je souhaite réaffirmer que la Commission économique pour l’Afrique reste, comme toujours, résolument déterminée à poursuivre sa collaboration avec vous afin que les zones économiques spéciales deviennent des pôles puissants d’industrialisation, de création de valeur et d’emplois.

Et je suis pleinement convaincu qu’en conjuguant nos efforts, nous ferons en sorte que ces zones deviennent véritablement spéciales, non seulement par leur appellation, mais aussi par leur contribution durable au parcours de développement du continent africain.

Je vous remercie de votre aimable attention.

 

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