RÉUNIONS DE PRINTEMPS 2025 DE LA BANQUE MONDIALE ET DU FMI
RÉUNION DE HAUT NIVEAU SUR LE DÉVELOPPEMENT D'UN ÉCOSYSTÈME DE NOTATION DE CRÉDIT EN AFRIQUE
Allocution
De
M. Claver Gatete
Secrétaire général de l’ONU et
Secrétaire exécutif de la CEA
Washington D.C., États-Unis
23 avril 2025
Chers partenaires de développement et collègues,
Distingués délégués,
Mesdames et messieurs :
C’est un plaisir d’être parmi vous aujourd’hui pour cette discussion opportune et importante sur le développement d’un écosystème de notation de crédit en Afrique.
Je remercie nos co-organisateurs, le MAEP, le PNUD, AfriCatalyst, l’ACET et la Fondation Open Society, d’avoir organisé ce dialogue de haut niveau en marge des réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale.
Je voudrais commencer par une question qui est au cœur de notre réunion d’aujourd’hui : Pourquoi, sur un continent de 54 nations, avec un PIB combiné de 3 000 milliards de dollars des États-Unis[1] et des économies parmi les plus dynamiques du monde, seuls deux pays – le Botswana et l’Île Maurice – bénéficient d’une notation de crédit de qualité ?
La réponse est aussi frustrante que claire : le système financier mondial actuel ne fonctionne tout simplement pas pour l’Afrique.
En effet, le parcours de développement de l’Afrique est paradoxal.
D’un côté, nos populations dynamiques, l’expansion des marchés régionaux et l’innovation croissante dans tous les secteurs représentent d’immenses promesses.
D’autre part, de nombreux pays sont confrontés à une vulnérabilité croissante face à la dette, à une réduction de leur marge de manœuvre budgétaire et à la hausse des coûts d’emprunt sur les marchés internationaux.
Pourtant, ces notations sont trop souvent influencées par des données limitées, des critères incohérents et un engagement insuffisant auprès des institutions africaines.
Les conséquences incluent des coûts d’emprunt plus élevés, un accès limité aux capitaux mondiaux et une diminution des ressources disponibles pour les infrastructures, la santé, l’éducation et la résilience climatique, entre autres secteurs.
Si l’on considère que les pays africains ont payé en moyenne 12 à 14 % d’intérêts sur les euro-obligations au cours des deux dernières années, contre 3 % en moyenne pour la zone euro ou le Vietnam, on ne saurait trop insister sur la nécessité d’un écosystème de notation de crédit centré sur l’Afrique, qui favorise des évaluations justes, précises et prospectives des économies africaines.
C'est ainsi que nous pourrons mobiliser les capitaux abordables, à long terme et accessibles dont le continent a besoin pour son programme de développement, et non le système actuel qui décourage les investissements directs étrangers, gonfle le coût du service de la dette et fausse la perception du risque.
À cette fin, je soumets cinq propositions concrètes à notre réflexion pour établir un écosystème de notation crédible.
Premièrement, nous devons établir un écosystème africain de notation qui reflète les réalités régionales de l’Afrique et qui complète, au lieu de se contenter d’imiter, les agences mondiales.
Cet écosystème doit être au service de l’Afrique, dirigé et informé par celle-ci, et crédible à l’échelle mondiale.
Deuxièmement, le développement d’un écosystème de notation exige le renforcement des systèmes de données.
À cet égard, les offices nationaux de statistique, les bureaux de crédit et les observatoires régionaux doivent être équipés pour fournir des données actualisées, détaillées et contextuelles.
Troisièmement, nous devons mettre en place un cadre réglementaire solide, inspiré des meilleures pratiques internationales, telles que le modèle européen, où les actions de notation suivent un calendrier transparent et prévisible.
Quatrièmement, nous avons besoin d’une collaboration intersectorielle, impliquant notamment les émetteurs souverains, les investisseurs, les régulateurs et les partenaires internationaux, travaillant tous en harmonie.
Un système de notation performant doit être supérieur à la somme de ses parties.
Cinquièmement, et c’est le plus important, nous devons renforcer les capacités nationales de l’Afrique. Cela implique de doter les professionnels africains de l’expertise technique et des institutions nécessaires pour mener des analyses de crédit fondées sur les réalités africaines.
Ainsi, les pays africains ne seront pas de simples sujets passifs de notation, mais des architectes actifs de leurs propres récits de crédit.
Distingués délégués :
En conclusion, je tiens à réitérer que la CEA est fière de coopérer étroitement avec ses partenaires – le MAEP, le PNUD, AfriCatalyst, l’ACET et la Fondation Open Society – pour concrétiser cette vision.
Des services de conseil technique à la recherche sur les politiques, du soutien aux bureaux de gestion de la dette à la facilitation du dialogue mondial, nous sommes déterminés à faire en sorte que la voix de l’Afrique façonne l’Architecture financière de demain.
Et le moment ne pourrait être plus stratégique.
Avec la présidence sud-africaine du G20 et le siège permanent de l’Union africaine, nous avons une occasion unique de promouvoir des réformes qui reflètent les expériences vécues par nos nations.
Ensemble, nous pouvons bâtir un écosystème de notation de crédit véritablement adapté aux objectifs actuels et à l’avenir de l’Afrique.
Merci.